Blanchisserie industrielle. Le projet de « blanchisserie nucléaire » haut-marnais attaqué devant la justice
Évoquée en janvier dans notre newsletter, la construction, à Suzannecourt (52), d’une blanchisserie vouée à l’entretien du linge issu du secteur nucléaire, continue à faire parler d’elle. Trois associations et 103 habitants déposent en effet un recours en référé contre ce projet de blanchisserie industrielle initié par l’américain Unitech.
Dans un communiqué commun*, les requérants pointent l’opacité établie autour de la mise en œuvre de ce projet. « Depuis trois ans, la société Unitech et la Communauté de communes du bassin de Joinville en Champagne (CCBJC) ont œuvré dans le silence pour permettre l’installation au bord de la Marne d’une blanchisserie nucléaire censée laver plus de 1 900 tonnes de linge contaminé par an. Les eaux usées chargées de détergents et de radionucléides seraient déversées dans la Marne après traitement. En tout, plus d’un tiers de la contamination se retrouverait dans l’eau. La rivière subirait donc une pollution quotidienne, comme toutes les communes en aval. La Marne traverse plusieurs départements, se jetant dans le lac du Der qui sert de bastion à la Seine. Aux risques inhérents à l’activité de lavage, s’ajoutent ceux relatifs à une unité de décontamination et d’entreposage prévue sur ce même site, qui rejetterait des métaux lourds dans l’atmosphère… le tout à proximité d’une zone urbanisée où se trouvent une crèche et une école ! »
Des inquiétudes légitimes renforcées par le manque de transparence pointée par les requérants : « Pendant des années, le processus administratif de la laverie a suivi son cours dans l’ombre, les demandes d’information des associations auprès des autorités locales ou de l’entreprise se heurtant systématiquement à des refus de communication de documents. Le dossier d’autorisation environnementale a été déposé en préfecture en janvier 2019 et le permis de construire, signé en avril 2018, n’a été affiché sur le site qu’en avril 2019. Ce n’est que début 2019 que les associations ont pu avoir accès aux dossiers d’étude. La mauvaise volonté des élus, peu soucieux de répondre aux interrogations de leurs administrés, confirme combien transparence et nucléaire ne font toujours pas bon ménage ! »
De fait, la grogne monte : « Depuis quelques semaines, 14 communes en aval en Haute-Marne et en Marne ont délibéré contre la laverie nucléaire, afin de marquer leur opposition. Elles ont ainsi rejoint la mobilisation initiée par les associations telles que le CEDRA ou Gudmont dit Non, ou encore Joinville lave plus propre ou Belles Forêts sur Marne, créées en réaction à ce projet. Nous considérons que nous n’avons pas à subir les choix de quelques élu-es qui ne profitent qu’à l’industrie nucléaire. Quoi qu’en disent ses promoteurs, cette laverie nucléaire ne constitue en rien un projet de développement local. Elle porterait gravement atteinte à l’environnement, que ce soit sur la commune de Suzannecourt ou pour les autres villages en aval. Ce projet doit être annulé ! »
Un recours construit autour de quatre points clés
- « Au vu des quantités importantes de radionucléides en jeu, ce projet de laverie pourrait potentiellement constituer une installation nucléaire de base plutôt qu’une installation classée pour la protection de l’environnement. Si tel était le cas, le permis de construire aurait dû être signé par le préfet. »
- « L’étude d’impact du permis de construire s’avère insuffisante à bien des égards, les effets sur l’environnement étant minimisés. En particulier, l’avis d’un hydrogéologue mandaté par l’Agence régionale de santé (ARS) présent dans le permis de construire s’est révélé défavorable, compte-tenu en partie du fait que les effluents seraient rejetés dans le périmètre de protection de deux captages d’eau potable de la commune de Vecqueville. Or, les effets de ces rejets ne sont pas décrits et il s’agit d’une lacune sérieuse ayant pu influencer le maire de Suzannecourt dans le sens de sa décision. A ce jour, l’arrêté du permis de construire ne permet pas d’assurer le périmètre de protection de ces captages à destination d’eau potable, et aucun hydrogéologue agréé ou tierce expertise ne sont intervenus sur ce dossier, malgré un avis en ce sens de l’ARS et de l’Autorité environnementale après elles, ce qui d’après la jurisprudence a pour conséquence que la décision du maire de Suzannecourt est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. »
- « Une enquête publique aurait dû avoir lieu avant l’édiction du permis de construire au regard du cadre juridique de ce projet étant soumis à autorisation au titre de la législation ICPE. Ce ne fut pas le cas, ce qui témoigne d’une volonté manifeste de ne pas inclure l’avis de la population dans l’instruction du projet. »
- « Le permis de construire viole plusieurs articles du règlement du lotissement de la Joinchère. En effet, Unitech s’installerait dans une zone urbanisée (à proximité notamment d’une crèche et d’un collège) régie par un règlement strict. Les premières habitations situent à 100 mètres de l’installation. Selon ce règlement par exemple, les ICPE ne doivent pas comporter de nuisances pour les riverains. Or, les rejets gazeux émis par la laverie et en particulier de plutonium, radionucléide dangereux pour lequel il n’existe pas de seuil d’innocuité, constituent bel et bien des nuisances rentrant en contradiction avec le règlement. »
*Communiqué commun – Réseau « Sortir Du Nucléaire », Belles Forêts Sur Marne, Cedra, Eodra, Gudmont Dit Non, Joinville Lave Plus Propre