Pressings. Des mesures d’aide appréciées mais des inquiétudes grandissantes
Depuis son lancement le 23 mars, plus de 2 600 chefs d’entreprise ont fait appel au numéro vert gratuit 0800 942 564 mis en place par les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, spécialistes de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises, avec le Ministère des Finances et de l’Economie.
Les nouvelles statistiques issues de la hotline « Solidarité Entreprises Covid » montrent que les entreprises maîtrisent et apprécient les mesures d’aide massives et rapides mises en place par le Gouvernement, mais il y a une inquiétude grandissante en cette fin de mois sur les questions de trésorerie et pour les entreprises qui n’ont pas reçu de réponses ou bénéficié des aides.
Le maintien des loyers, un sujet qui chiffonne
Sans surprise, la question des loyers cristallise beaucoup l’attention des pressings. Si des initiatives solidaires de bailleurs se sont fait jour, beaucoup d’exploitants restent confrontés au refus de toute négociation de la part de leur bailleur, ce que confirme Benjamin Allary, président du CFET de la région Paca et exploitant de pressings : « Les semaines s’égrènent depuis le 15 mars et la conclusion est la même pour tous : nous allons devoir payer nos loyers. Les négociations avec les bailleurs sont rugueuses pour un résultat nul. » Dans un courriel transmis à la FFPB et à ses instances en région, le dirigeant s’inquiète et interpelle sur les initiatives à ce sujet : « La pression est-elle maintenue ? Nos demandes sont-elles renouvelées depuis la mi-mars ? », interroge-t-il. « Nous devons faire entendre le cas particulier des pressings et plus spécifiquement ceux situés dans les galeries marchandes avec les loyers les plus élevés et les bailleurs les plus obtus. Il conviendrait d’obtenir de nos gouvernants et de nos bailleurs une indexation du loyer sur le CA N-1, du 16 mars 2020 jusqu’à la fin de l’année. »
Déjà fragilisée, confrontée à la disparition de 50% des pressings en dix ans, la profession risque fort de continuer à s’étioler. « On annonce déjà la fermeture de 20% des pressings d’ici fin 2021, sachant que la mutation technologique n’est pas achevée, qu’il va falloir faire des demandes de prêts pour renouveler du matériel ou pour innover, avec un bilan 2020 catastrophique... », alerte Benjamin Allary. « Les plus petits et fragiles de la profession bénéficient de nombreuses aides sur cette période, ce qui est une bonne chose. Mais les PME de la profession, qui représentent, quand même, 80% du volume et du chiffres d’affaires et 90% des salariés, ne bénéficient de rien ! Le PGE ? Nous aurions obtenu un prêt de trésorerie sans la garantie de l’état. Le fonds de solidarité et les dégrèvements ? On a un chiffre d’affaires trop important pour en bénéficier et on a trop de salariés… Un fonds d’investissement ou une annulation des loyers règlementées ? Non, pas pour la profession. »
Sensibiliser les bailleurs à une nécessaire solidarité
Dans ces circonstances, une annulation ou une indexation des loyers seraient plus que bienvenues. Mais livrés seuls à la négociation face à des bailleurs aguerris, les pressings ont peu d’espoir de voir leurs chances aboutir, sauf à ce que la FFPB, qui travaille conjointement avec la CNAMS et l’U2P sur cet épineux dossier, parvienne à esquisser une piste valide.
Le Conseil National des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAMJ) pourrait toutefois apporter de l’eau au moulin et sensibiliser les bailleurs au bon sens et à la solidarité car les chiffres et faits parlent d’eux-mêmes. Les sujets de financement au sens large pour faire face à la crise ou alléger la trésorerie représentent 53,3% des questions posées à leur hotline. Dans le détail, l'aide du Fonds de solidarité demeure le sujet n°1 de questionnement des appelants ; suivent les demandes/refus de prêts bancaires, PGE, etc. Arrivent derrière les reports d’échéances sociales ou fiscales puis les besoins de trésorerie à court terme. « Certains secteurs semblent plus particulièrement impactés. Sans surprise, l'écrasante majorité des entreprises appelant le N° Vert des AJMJ est composée d'auto-entrepreneurs et de TPE, qui sont plus durement touchées par la crise actuelle », explique Christophe Basse, Président du Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires (CNAJMJ). Et de se vouloir rassurant toutefois : « Il faut rappeler que notre droit français est le plus protecteur au monde pour la sauvegarde des entreprises et des emplois en cas de difficultés. C’est pourquoi la Coface prévoit à ce stade +15% de défaillances en France quand elle en prévoit beaucoup plus aux Etats Unis (+40%) et au Royaume Uni (+33%). Des outils de prévention confidentiels et gérés à huis clos comme la conciliation ou mandat ad hoc, ou de procédures collectives comme la sauvegarde ou le redressement judiciaire permettent à l’entreprise de se mettre sous protection et de renégocier ou geler ses créances, pour obtenir un regain de trésorerie le temps de la crise. Les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires sont des spécialistes de ces procédures et sont mobilisés pour apporter réponses et diagnostics aux entreprises en fonction de leur situation à travers la hotline. »